La Semaine Européenne des matières premières 2024, s’est déroulée du 9 au 13 décembre à Bruxelles. Organisée par la Commission européenne, elle a attiré plus de 1 400 participants issus de l’industrie, des gouvernements, de la société civile, de la recherche et du monde universitaire. L’événement a accueilli des invités de haut niveau, dont le vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, le commissaire Maroš Šefčovič (Commerce et sécurité économique, relations interinstitutionnelles et transparence), et le commissaire Jozef Síkela (Partenariats internationaux).
Cette édition était la première après l’entrée en vigueur de la loi de l’Union Européenne sur les matières premières critiques (CRMA – Critical Raw Material Act ) en mai 2024.
La loi vise à garantir un approvisionnement sûr et durable en CRM pour l’industrie européenne grâce au renforcement des capacités nationales d’extraction, de transformation et de recyclage, tout en diversifiant les approvisionnements grâce à des partenariats stratégiques.
Les CRM en question sont toutes issues de l’extraction minière et le suivi de leur évolution, de leur demande, et de leur exploitation est donc d’un intérêt crucial pour tous les acteurs de la filière minière en particulier, et plus généralement du domaine des géosciences. Les 34 matières premières définies comme critiques[i] par la Commission incluent des éléments tels que le lithium, le groupe des terres rares, ou le nickel qui sont d’un intérêt primordial pour la transition climatique.
En Europe, l’effort d’exploration pour les CRM est actuellement limité à une valeur d’environ 1/30ème de l’effort global. De plus ces efforts sont très fragmentés entre les États membres de l’UE. Un effort plus intense et plus intégré pour explorer les CRM de manière systématique, tant géographiquement qu’en profondeur contribuerait à l’émergence d’un meilleur environnement pour l’économie Européenne, et pour les personnes, permettant d’avancer vers la transition énergétique. Le point de vue des spécialistes présents à la conférence est qu’un effort d’exploration est nécessaire en Europe et dans les pays partenaires afin que les ressources de CRM soient correctement évaluées, car de nombreux districts n’ont pas été examinés attentivement au cours des 40 dernières années, ce qui conduit à une image déformée de la réalité des ressources en CRM en Europe.
L’objectif central de la conférence était d’aborder la mise en œuvre de la loi sur les CRMA. Plusieurs mécanismes sont prévus pour l’implémentation de cette loi dont 1) La reconnaissance par la Commission de projets stratégiques dans l’Union et dans les pays associés dans le domaine de l’extraction, du raffinage, et du recyclage des CRM ; 2) L’établissement de partenariats stratégiques avec des pays tiers permettant un meilleur accès de façon durable aux matières premières sur l’entièreté de la chaîne de valeur ; 3) L’obligation pour les états membres de lancer des programmes nationaux d’évaluation de leurs ressources en matières premières.
Une première série de 170 projets stratégiques ont été soumis à la Commission en 2024 dans le cadre d’un appel à projets. Les demandes couvrent de nombreuses CRM identifiées dans le cadre de la CRMA, notamment le lithium, le nickel, le cobalt et le graphite pour les batteries, ainsi que les terres rares pour les aimants permanents. Ces projets couvrent toutes les étapes de la chaîne de valeur avec 77 demandes axées sur l’extraction, 58 sur la transformation, 30 sur le recyclage et 5 sur la substitution. En principe une cinquantaine de ces projets devraient être labellisés projets stratégiques au cours du premier trimestre 2025 et une nouvelle date limite pour le dépôt de nouveaux projets stratégiques devrait être publiée en 2025.
La conférence a également largement abordé la collaboration avec les pays tiers et les partenariats stratégiques avec ces pays, avec notamment la présence de représentant du Canada, de la Zambie, de la RDC, et l’Afrique du Sud. La collaboration avec le Canada dans le domaine des matières premières est assurée grâce à un partenariat stratégique dans le cadre du CETA. Les principales entreprises canadiennes impliquées dans la production de lithium, de nickel et de graphite recherchent davantage d’investissements européens dans l’ensemble de la chaîne de valeur des minéraux et des métaux qu’elles produisent. Les Partenariats stratégique avec la Zambie et la RDC et la collaboration avec l’Afrique du Sud sont également des opportunités pour les acteurs de l’UE impliqués dans la chaîne des valeurs des matières premières de ces pays.
La conférence a été l’occasion de faire le point sur les programmes nationaux obligatoires, dans le cadre de la loi sur les CRM. Ces programmes comprennent l’évaluation des ressources afin d’accroître les connaissances géologiques sur le potentiel en CRM de l’UE et de réduire les risques liés aux projets d’exploration minière ciblés dans l’UE. Les programmes nationaux d’exploration doivent procéder à des campagnes de levés de cartographies minéralogiques ainsi qu’au retraitement de données de levés géoscientifiques existants. Les pays de l’UE sont en train de procéder à la planification et aux lancements de ces programmes en particulier en France via la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques.
La Commission s’associe de façon proactive à cette mise en œuvre du règlement sur les CRMA avec la mobilisation de plusieurs Directions Générales : notamment DG INTPA (DG des Partenariats Internationaux, DG TRADE (DG Commerce), DG DEFIS (DG Industrie, Défense et Espace), DG GROW (Marché Intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME).
Plusieurs programmes communautaires seront impliqués dans la mise en œuvre de la loi sur les CRMA: Horizon Europe pour la recherche, y compris le nouveau partenariat sur les matières premières avec un financement possible de la Commission attendu d’environ 300 M€ (petits projets de plus ou moins 1 M€), le Conseil européen de l’innovation (EIC) et l’Institut européen de technologie (EIT) pour des projets avec les PME focalisant sur l’innovation en aval de la recherche, le fond de développement Européen en support aux partenariats avec les pays tiers, et finalement des projets opérationnels pourraient également être financés au titre du fond européen sur l’innovation.
La Banque Européenne d’investissement, des fonds nationaux et les banques présentes à la conférence ont déclaré également être prêts à soutenir des projets viables afin de supporter la législation sur les CRMA, via des prêts, en se basant sur leur expérience dans le domaine des matières premières.
En outre, la Semaine des matières premières 2024 a marqué également le lancement de l’Académie européenne des matières premières. L’Académie élaborera des contenus d’apprentissage et des qualifications pour combler le déficit de compétences tout au long de la chaîne de valeur des matières premières. Elle soutiendra la mise à niveau et la reconversion, par les prestataires d’enseignement et de formation des États membres de l’UE, de la main-d’œuvre requise dans l’UE pour, entre autres, l’exploration, l’extraction, la transformation et le recyclage des matières premières. Le déploiement des programmes se fait par l’intermédiaire de partenaires locaux. Il peut s’agir de prestataires de formation professionnelle et éducative, d’entreprises, d’universités ou d’autres types de formateurs avec lesquels l’Académie s’associe pour déployer ses programmes. L’académie sera mise en œuvre par l’ Institut européen d’innovation et de technologie (EIT).
[i] Matières premières critiques : L’antimoine, l’arsenic, l’aluminium, la baryte, le béryllium, le bismuth, le bore, le cobalt, le charbon à coke, le cuivre, le feldspath, la fluorine, le gallium, le germanium, le hafnium, l’hélium, les terres rares lourdes, les terres rares légères, le lithium, le magnésium, le manganèse, le graphite, le nickel de qualité batterie, le niobium, le phosphate, le phosphore, les platinoïdes, le scandium, le silicium métal, le strontium, le tantale, le titane, le tungstène, et le vanadium
Article rédigé et transmis à l’ASF par :
Gilles Ollier
GEOconsult
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